Super Héros Fabrice Nicolino, la passion de la vérité

Journaliste indépendant, Fabrice Nicolino a écrit des livres-enquêtes sur des sujets clefs comme les pesticides, l’industrie de la viande, les bio-carburants et les pollutions industrielles. Sa plume est forte et nous lui laissons la parole.

> De quel milieu viens-tu ?
"Je viens du prolétariat de la banlieue Est de Paris, ce qu’on appelle la Seine-Saint-Denis. Mais il est plus juste de dire qu’à la mort de mon père ouvrier - j’avais huit ans -, ma famille a plongé dans les conditions de vie du sous-prolétariat : achat de la nourriture à crédit, etc. Mes parents ont eu six enfants, dont cinq survivants. "

> Qu’est-ce qui a déterminé ton engagement ?
"Mon engagement social et politique, je le dois assurément à mon père. Même si j’étais un gosse à sa mort, même s’il travaillait 60 heures par semaine et que je l’ai finalement fort peu vu, il m’a transmis quelque chose de fondamental. Je ne sais par quel mystère, mais je n’ai aucun doute sur le sujet. Ce quelque chose pourrait s’appeler le sens de la justice. J’ai commencé à me battre quand j’étais pré-adolescent. Pour ce qui concerne la nature, je reste sans explication. La seule personne de mon entourage qui a pu m’influencer, c’est ma tante Thérèse, à qui j’ai consacré un livre destiné aux enfants. Mais elle ne savait rien de la nature, et (à peu près) tout des animaux d’appartement, auxquels elle vouait un culte assurément magique. "

> Comment finances-tu tes enquêtes ?
"Je suis journaliste et je gagne donc ma vie. En l’organisant de telle manière que je dispose de temps. Mais comme tout bouge et change, j’envisage, à l’avenir, de financer mon travail en amont, en me tournant vers le public suivant les pratiques que tu connais mieux que moi."

> As-tu de l’espoir ?
"Est-ce que j’ai de l’espoir ? Je suis un amoureux de la vie, et je n’ai jamais pensé que l’avenir serait fatalement, et complètement apocalyptique. Je suis en revanche convaincu que les problèmes accumulés ne peuvent qu’exploser tôt ou tard. La crise écologique et les destructions des équilibres sont déjà allées bien trop loin. Je ne sais quand, mais cela arrivera. L’esprit technique et les inventions technologiques peuvent différer l’heure des rendez-vous, mais nous y aurons droit. Les sociétés humaines courent désormais le risque certain de la dislocation. Les liens anciens se dissolvent, les conflits dessinent les traits d’une guerre de tous contre tous.
L’espoir ? Compte tenu des ébranlements colossaux à venir, il faut renforcer sans cesse les liens entre ceux qui pensent un avenir possible, fondé sur le respect de valeurs humaines essentielles. Ce réseau, selon moi, c’est l’avenir. C’est l’équivalent d’une graine prête à germer. Rien n’est sûr, et peut-être ne poussera-t-elle pas. Mais sans la promesse de la récolte, ce serait incomparablement pire."


Vous pouvez suivre Fabrice Nicolino sur son blog, Planète sans visa et régulièrement dans Charlie Hebdo.


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