Les films documentaires qu’ils ont écrits, réalisés et produits ont changé à jamais la façon dont les Français perçoivent l’écologie et les crises environnementales auxquelles nous devons faire face.
En 1989, Jean-Paul et Béatrice Jaud créent leur société de production "J+B Séquences" pour vivre leur passion avec une plus grande indépendance. Pendant quelques années, leur collection des "Quatre Saisons" leur permet de belles réalisations autour de personnages du terroir et du patrimoine ("Les quatre saisons du berger", "Les quatre saisons du château d’Yquem"...).
En 2007, le succès est au rendez-vous avec Nos enfants nous accuseront, un film dérangeant, qui malmène le confort et le ronron des informations quotidiennes. Là, à deux pas de chez chacun d’entre nous, lentement et en silence, les intrants et autres pesticides empoisonnent la terre et les hommes, et les enfants aussi bien évidemment, qui respirent les résidus toxiques de ces produits et les ingèrent en avalant des aliments sur-traités. 100 000 enfants par an meurent chaque année de maladies causées par l’environnement et 70% des cancers sont liés à l’environnement... Le travail pionnier d’un maire, de familles et d’écologistes est montré dans ce film, inspirant des milliers de spectateurs (dont je fais partie) à se bouger pour que ça change. Et des changements, il y en a eu ! Monsanto, Bayer, Syngenta commencent à être mis en accusation pour les produits agricoles ultra-toxiques qu’ils vendent... Il y a quelques jours, en janvier 2015, la France a voté le passage au bio dans les cantines. La route est encore longue, c’est certain, mais ce film puissant a marqué les esprits tout en inspirant à l’action.
Sur cette même lancée, en 2009, Jean-Paul et Béatrice nous embarquent pour un grand voyage articulé autour de la question : quel monde laisserons-nous aux générations futures ? Ce sera Severn, la voix de nos enfants. C’est Severn Cullis-Suzuki, 29 ans (en bleu sur la photo), enceinte de son premier enfant, qui est la voix de ce film, elle qui, à 12 ans, interpella les dirigeants du monde entier sur la situation humanitaire et écologique de la planète au Sommet de la Terre de Rio (1992). Le film est une bouffée d’air frais qui met en avant des initiatives positives, dans l’esprit de "Demain".
Puis vient en 2011 le terrifiant "Tous cobayes ?" qui sort dans les salles au moment où l’équipe du CRII-GEN du Pr. Séralini révèle au monde les conséquences physiques atroces des résidus de pesticides sur des rats de laboratoire. C’est l’étude la plus complète et la plus longue jamais réalisée portant sur la consommation d’un OGM agricole de maïs avec le pesticide Roundup produits par Monsanto. Alors que la plupart des études sont financées par l’entreprise pour mitiger la toxicité des OGM, l’étude Séralini est un pavé dans la mare : les OGM sont toxiques, il faut les interdire totalement. Mais malgré une avalanche de critiques, le bien est fait : la main-mise sordide et financière est révélée, l’intention de nuire aux populations est claire, le lien entre l’industrie agro-alimentaire, l’énergie et l’armement est historiquement montré. Bien évidemment, l’étude est décriée et le Pr. Séralini porté aux gémonies mais il résiste, marquant un point après un autre (comme récemment ici).
Quittant l’alimentation, le duo aborde ensuite frontalement la question de l’énergie, de notre dépendance au nucléaire et de la façon dont ce modèle nous a été imposé en dépit du bon sens. La catastrophe de Fukushima-Daiichi vient d’avoir lieu. En 2015, le film Libres déroule ainsi "le parcours initiatique d’enfants de France, du Japon et du Danemark dans le monde des énergies renouvelables. Grâce à des adultes soucieux de leur construire un futur durable, ces enfants vont partager de merveilleuses expériences éducatives, musicales et poétiques, et découvriront que leur liberté est intimement liée à la transition énergétique. Car derrière leurs rires et leur insouciance se dressent d’inquiétants réacteurs nucléaires..."
Comme l’a dit Jean-Paul Jaud : "Notre société confisque trop souvent à nos enfants leur liberté. Trois mois après la catastrophe de Fukushima, j’ai ressenti véritablement ce que représentait cette perte de liberté en filmant, pour une séquence de mon film "Tous cobayes ?", une cour d’école vidée de ses élèves, un paysage irradié, le crime intergénérationnel ultime."
Chacun de leurs films est un outil de compréhension qui nous oblige à revisiter nos perceptions et croyances. Leur beauté est de mettre toujours les enfants en perspective et de nous inviter à retrouver toute notre liberté en faisant des choix de vies avisés.