Michel Chaudy nous présente Boimondau, la communauté de travail autogérée fondée à Valence par Marcel Barbu.
Michel Chaudy nous présente Boimondau, la communauté de travail autogérée fondée à Valence par Marcel Barbu.
Marcel Barbu est né le 17 octobre 1907 à Nanterre (France) dans une famille très pauvre. Il a dix ans quand sa mère décède et son père est dans les tranchées. C’est la grand-mère maternelle qui prend en charge les trois enfants de la famille Barbu.
Bon élève et grâce à une bourse, Marcel intègre le petit séminaire d’Élancourt. Il se rend compte que la prêtrise n’est pas faite pour lui, il ne veut pas prêcher la bonne parole il veut la vivre, et d’abord en créant une famille. Il quitte alors le séminaire et apprend la bijouterie. Ce métier manuel, qui lie technicité et création artistique, lui convient très bien.
Puis il travaille dans une importante bijouterie et adhère à la CGT. Il ne comprend pas le milieu ouvrier qui se plaint et qui se limite à la revendication, il veut prouver qu’il est possible de se prendre en charge. En 1930, il crée sa première entreprise de bijouterie à Saint-Leu-la-Forêt. En 1936, les ouvriers veulent se mettre en grève « mais pourquoi faire grève puisque cette entreprise est la vôtre » leur dit Marcel Barbu !
Marcel Barbu fabrique les premiers boîtiers de montres étanches français. Fred Lip (montres Lip) qui est son client lui propose de s’installer à Besançon, plus proche de la production horlogère. En 1938 Marcel Barbu crée à Besançon « Le Bélier ». Il développe les conseils d’ateliers où tous les salaires sont affichés.
En septembre 1940, à la demande des nouvelles autorités françaises (l’armée allemande occupe Besançon depuis juin 1940), il est expulsé de Besançon. À Valence il crée la Manufacture des Boîtiers de Montres du Dauphiné, qui deviendra Boimondau, pour accueillir et former les jeunes aux métiers de l’horlogerie.
En 1942, Marcel Barbu est interné pour son opposition à la Relève (3 ouvriers français vont travailler en Allemagne ce qui permet le retour d’un prisonnier), car si l’un d’entre eux devait partir, c’est la communauté qui serait amputée.
De retour du camp d’internement, ses compagnons décident de faire de 1943 l’année de préfiguration d’une communauté de travail répondant à des règles qu’ils testeront et rédigerons. À l’assemblée générale de décembre 1943, ils constatent que la communauté est viable et votent qu’à partir de 1944, ils formeront une communauté d’hommes et de femmes formant une entreprise dans l’intérêt des besoins du groupe.
Recherché par la Milice et Gestapo, Marcel Barbu voit l’usine de Valence fermée par l’occupant et les machines démontées. Mais la communauté continue à produire dans des ateliers clandestins repartis dans plusieurs lieux de la ville.
Arrêté à Paris où il tentait de se cacher, Marcel Barbu est déporté à Buchenwald dans le dernier convoi. À son retour en mai 1945, élu à la chambre constituante des députés, il propose des lois pour favoriser le passage des entreprises en communautés de travail ; ces lois ne seront jamais votées.
Ce modèle d’entreprendre fera quelques autres expériences en France, Belgique et en Suisse. De nombreux journalistes (des USA à l’URSS), de militants de tous horizons, veulent comprendre cette expérience, ce qui obligera les compagnons d’organiser les visites. Marcel Barbu va essayer de créer une cité communautaire regroupant plusieurs communautés, mais les temps ont changés. Il est difficile de mobiliser les salariés plus intéressés à leur tranquillité et aux loisirs.
En 1954, Marcel Barbu tourne définitivement la page de la phase industrielle, apporte son savoir-faire d’organisateur et de meneur d’hommes pour la réalisation de logements sociaux. Il construira environs 4 000 logements sous forme de coopératives d’habitation, principalement à Sannois et à Saint-Leu-la-Forêt.
1965 est la première élection du président de la République Française au suffrage universelle et Marcel Barbu compte bien en profiter pour faire passer ses idées issues de ses réalisations. Dans la mémoire de beaucoup, il reste le candidat des « chiens battus ».
Le 7 novembre 1984, Marcel Barbu décède à Paris.
Marcel Barbu ne fut jamais propriétaire d’appartement ou de maison ; peut-être qu’il aurait pu devenir un riche industriel ; mais ce n’est pas ce que lui dictait l’évangile. Sa mission : être au service des autres et construire un autre monde où chacun aurait sa place.
Pour mémoire : Faire des Hommes libres
Boimondau et les communautés de travail à Valence, 1941-1982
Préface de Charles Piaget
2008, 176 pages, ISBN : 2-9520180-5-7
Éditions REPAS
http://monpuzzle.e-monsite.com/pages/bmd-pages/boimondau-des-hommes-libres.html
INA - Marcel Barbu - Campagne électorale officielle - élection présidentielle 1er tour