Petite fille, je voulais être herboriste. On m’a vite dit que cela n’existait pas, que cela n’existait plus, qu’il fallait être pharmacien si l’on voulait soigner avec les plantes. Mais pharmacien, je ne voulais pas. C’était herboriste, ou faire de l’acupuncture éventuellement. Ce ne fut rien de tout cela.
Après mon bac – scientifique – j’ai fui les prépas pour faire des études de théâtre, puis de la mise en scène. Rien à voir. C’est pourtant à ce moment-là que j’ai lu mon premier livre de naturopathie. Un livre de poche que j’ai toujours, que j’ai adoré. A l’époque, j’ai aussi lu Médecine des trois corps, tous ces livres-là, ils m’ont bouleversée. Mais c’était en même temps trop loin de moi, de mon milieu où l’on est polytechnicien de père en fils ou fille, où HEC est un second choix et où, lorsqu’on fait science-po, on est un raté... Au moins, le théâtre était une rupture radicale. Je me suis lancée à cœur perdu dans cette vie à contre-courant. J’ai quand même vite vécu avec un ostéopathe, à l’époque où l’ostéopathie était en plein flou juridique, je connais bien ces combats, puis avec un professeur de pharmacie. Le soin des autres était proche de moi, mais pas pour moi.
Lorsque j’avais vingt-neuf ans, on a trouvé le même mois un cancer chez mon père et chez ma mère. Toutes mes lectures d’étudiante me sont revenues à l’esprit. Je me suis replongée dans Kousmine, une méthode alternative de santé naturelle. Mon père a tout testé, expérimenté. Trop tard. Il est décédé. Puis j’ai été enceinte, Kousmine toujours. Dès que je m’éloignais d’un mode de vie sain, naturopathique dirions-nous aujourd’hui, et surtout de cette pensée holistique qui me passionne, la vie m’y ramenait. Lorsque j’ai commencé à travailler à Psychologies Magazine, c’est ma chef de service, Patricia, qui m’a fait enquêter sur tous ces sujets et qui m’a poussée à les approfondir. J’ai beaucoup de chance.
La première fois que je suis allée au Cenatho - une des grandes écoles parisiennes de naturopathie -, c’était pour interviewer Daniel Kieffer, son directeur, sur les monodiètes, et j’ai vu affiché (à l’époque, c’était écrit au gros feutre sur une affiche un peu bancale) les conseils de saison à suivre pour être en santé... Je me revois aussi lire le Guide de la Revitalisation de ce même DK que j’avais reçu en service de presse, j’étais dans un train vers Saint-Malo pour aller tester une thalasso, j’avais envie de dévorer ce livre, j’en ai “stabiloté” la moitié... Je ne me sentais pas capable de devenir naturopathe, de faire un tel virage pourtant. Pas encore. J’étais une (petite) “star” dans mon métier, je n’étais pas encore prête à y renoncer...
Il a fallu la crise du milieu de la vie, en vrai, en total, en grand, "à intensité haute", comme le dit mon amie Françoise Muhr* (*elle est l’une des spécialistes françaises de cette CMV), pour que j’aille faire un stage de chamanisme : le mot naturopathie revenait toujours tout le temps, c’était curieux et très clair. Dès mon retour, je me suis inscrite au Cenatho. Mon compagnon, le prof de pharmacie, a très mal vécu ce bouleversement. On s’est séparé. Il est mort depuis, que la paix soit avec lui... Je le dis souvent, ces quatre années d’études ont été autant d’années d’initiation. J’ai joué le jeu autant que j’ai pu. J’ai créé beaucoup d’autres choses parallèlement (un site internet, mes premiers livres....). Mais toujours dans cet esprit holistique qui constitue la base de la pensée naturopathique. J’avais trouvé la couleur de ma route. Il est évident que cellulairement, énergétiquement, karmiquement, cette période m’a métamorphosée.
L’examen final de naturopathie a peut-être clos la première partie de ma vie. Ce n’est qu’après que j’ai pris conscience de l’importance de ce moment, de tout le reste, toute cette route, tous ces morts qui étaient là et que je ne voyais pas. Il y a tant de choses, tant de ruptures, tant d’événements qui m’ont amenée à ce jour-là, tant de fantômes présents de manière consciente et inconsciente, cela ne pouvait être autrement.
Depuis, ma pratique a changé, évolué, elle s’est beaucoup transformée... Mêlant naturopathie et psychothérapie, travaillant toujours plus sur moi, pour me sentir digne, apte, autorisée à accompagner d’autres humains sur leur route. Aujourd’hui, je vis la vie qui me ressemble, une vie toujours intense, parfois douloureuse, le plus souvent joyeuse. Une vie paisible aussi paradoxalement, pleine de projets et de confiance. Une vie qui ne cesse d’emprunter ce "chemin de la nature" que j’aime (comme on peut traduire aussi le terme de "naturopathie"...) et qui m’est essentiel. De plus en plus.
Je ne dirai pas que je pratique la naturopathie. Non, je la vis. Je mange naturopathe, je bois naturopathe, j’écris, je jardine naturopathe, j’aime, je pense naturopathie. C’était ma voie, ma destinée. Un chemin jamais terminé...
Odile a fait paraître un premier roman, Le commencement de la fin et Marcher pour se retrouver basé sur sa marche vers Compostelle.
En 2017, elle a fondé l’Institut de Naturopathie Humaniste, à Paris.
Son blog : Odile Chabrillac